dimanche 6 mars 2011

A bas les clichés : le Français, nul en langues !


Nous, les français sommes "nuls en langues", comme on le répète souvent en fanfaronnant avec un certain plaisir et disons le franchement, pour généraliser notre propre incompétence en la matière.


Alors, il y aurait une sorte de prédestination du Français à être « nul en langue », une fatalité qui pèserait sur la France et qui ferait que, de génération en génération, quelque soient les moyens mis en oeuvre, le Français ne pourrait pas apprendre convenablement les langues.




Non, si nous ne faisons pas d' étincelles, il y a des raisons plus rationnelles et sur lesquelles on peut sans aucun doute agir.

Lorsqu'on parle de langues en France, c'est avant tout à l'anglais que l'on pense. C'est d'ailleurs la première langue à laquelle on confronte les élèves, dans un but louable de maîtrise plus rapide de la langue de communication à l'international.

Pourtant, l'anglais est, pour le Français, très éloigné de sa langue d'origine, plus proche des langues latines telles l'espagnol ou l'italien et comporte de nombreuses difficultés, de l'aveu même de natifs anglophones tels Theodore Roosevelt ( orthographe déconnectée de la prononciation, souvent imprévisible, nombreux idiomatismes) bien plus encore que d'autres langues anglo-saxonnes telles l'allemand. Ainsi, la première langue à laquelle le petit Français est mis en contact, le place dans une situation de difficultés, qui souvent provoque des blocages.

Et encore davantage lorsque dans les médias, on compare la situation en France à celle de nos voisins européens, sans prendre en compte certains facteurs essentiels à la lecture des chiffres fournis, comme le faisait encore le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé au début du mois de février dans un article intitulé «  les Français must speak english ».

Comparer la France au Danemark, à la Finlande ou aux Pays-Bas dans l'apprentissage de l'anglais est une aberration à deux niveaux : d'abord, ces pays sont de petits pays, dont la langue n'a jamais eu de rôle prépondérant au niveau international et qui donc ont depuis longtemps la nécessité d'utiliser l'intermédiaire de l'anglais dans leurs relations au monde. Ensuite, les langues maternelles de ces pays sont originaires du même groupe que l'anglais, d'où la plus grande facilité à acquérir les structures et le lexique pour ces pays. Si la langue internationale était l'espagnol, pas sûr que les petits Danois ne dépassent les petits Français dans la grande course à la maîtrise de LA langue indispensable.

A la fin des années 90, une autre voie avait été envisagée pour l'apprentissage des langues chez les plus jeunes, car il est unanimement reconnu qu'une confrontation précoce à d'autres langages favorise leur apprentissage. Il s'agissait du projet Evlangues.

Cette voie ne plaçait pas l'anglais en position de quasi-monopole à l'école primaire mais permettait une découverte de multiples langues. Le but était de préparer à l'apprentissage ultérieur des langues, grâce à un enseignement transdisciplinaire puisque la découverte des langues pouvait se faire dans le cadre de nombreuses disciplines ( musique, histoire, arts, français …). Cette découverte pouvait de plus se faire dès la maternelle sans aucune difficulté, ni pour les enfants, ni pour les maîtres puisque l'éveil aux langues ne nécessitait pas un réel niveau en langues pour les professeurs des écoles.
Grâce à l'éveil aux langues, chaque élève pouvait découvrir et observer des langues telles le vietnamien, le polonais, le coréen, le portugais à côté des langues plus traditionnellement enseignées dans les collèges et les lycées.
Les avantages étaient multiples : l'enfant s'ouvrait à la diversité linguistique et culturelle et pouvait se motiver pour l'apprentissage des langues même si certaines ne lui plaisaient pas. Il pouvait également développer ses capacités de raisonnement et d'observation de sa propre langue.
Arrivé au collège, il commençait alors l'apprentissage plus approfondi d'une puis de deux langues vivantes.
Cette expérimentation a malheureusement été rapidement abandonnée pour mettre en place l'apprentissage de l'anglais dès le primaire dans la très grande majorité des écoles françaises.



De même, l'apprentissage bilangue anglais – allemand, qui participait à la même démarche d'interdisciplinarité et de mise en parallèle de deux langues, semble lui aussi avoir désormais du plomb dans l'aile.
Pourquoi ? Parce que l'esprit de la classe bilangue n'est que très rarement respecté par les établissements et par les enseignants. Il s'agirait dans l'idéal, que les deux professeurs de langue travaillent ensemble, en parallèle avec des approches communes, des outils partagés, des évaluations concertées pour permettre aux élèves de voir la cohérence qui existe dans l'apprentissage des langues. Les manuels scolaires sont d'ailleurs conçus pour pouvoir respecter cet esprit. Dans la réalité, la deuxième langue du binôme devient secondaire par rapport à l'anglais, jusqu'au point où parfois les horaires normalement équitables sont déséquilibrés.
A l'origine la bilangue était une bilangue anglais – allemand et cette association avait une vraie raison d'être puisque les deux langues sont « cousines » et l'apprentissage de l'une peut favoriser celui de l'autre et vice-versa. Par la suite, on a mis en place des bilangues anglais – espagnol alors que le parallèle entre les deux langues n'a que peu d'intérêt linguistique.
Encore un moyen de conforter l'hégémonie de l'anglais et de tuer toute logique dans un concept qui pourtant aurait pu, au même titre que l'éveil aux langues à l'école primaire, favoriser l'apprentissage de l'anglais et de l'allemand au collège.



Alors, si les français sont « nuls en langues », à qui la faute ? Au destin ? Aux enseignants de langue ? Ou à l'institution qui faute de savoir ce qu'est une langue choisit une politique en calquant des modèles d'apprentissage de l'anglais appliqués chez nos voisins, sans réfléchir à la réalité de notre pays, de notre langue ...

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    je souhaitais témoigner que dans les Hauts-de Seine également l'apprentissage de l'allemand semble être de plus en plus pris à lan légère: mon fils a eu la chance de bénéficier de 2h/semaine du Cp au CE2, et , surprise, en début de CM1 nous avons appris qu'il ne pouvait continuer que l'anglais (également commencé en Cp) OU l'allemand, et que ce choix précoce conditionnerait sa 1ère langue au collège... étant moi-même bilingue anglais je tenais à ce que mon enfant puisse continer à progresser dasn les 2 langues, ce que son école publique ne lui a pas permis.... Quelle est l'utilité d'un apprentissage précoce si celui-ci est abandonné ensuite pendant 2 ou 4 ans?

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